On a tendance à penser que les règles, ce n'est 'que' du sang. La réalité est toute autre : ce sang est différent celui qui coule dans les veines par bien des aspects. En plus, les règles pourraient bien devenir demain une ressource fantastique pour la recherche.
Qu'y a-t-il dans les règles ?
Les règles sont composées :
- de cellules mortes de l'endomètre, qui tapissent l'utérus tous les mois pour préparer à l'arrivée d'un éventuel ovule fécondé
- de sécrétions vaginales ou issues du col de l'utérus
- de bactéries de la flore vaginale
- de 'sang menstruel', qui est différent du sang classique dans sa composition : il est moins concentré que le sang 'veineux', c'est à dire que l'hémoglobine, les plaquettes et le fer baignent dans une part plus importante d'eau. En revanche, son pH est identique, autour de 7,2.
Tout ceci fait que les règles sont aussi plus visqueuses que le sang ordinaire : les sécrétions du col peuvent leur donner une texture proche du blanc d'oeuf, et l'endomètre peut se déliter en caillots.
C'est tout à fait normal, et la couleur comme la texture des règles varie souvent d'un jour de règles à l'autre, voire d'un cycle à l'autre.
Le sang des règles pourrait demain soigner !
On en sait encore assez peu sur le sang menstruel, et il a été longtemps considéré comme un déchet.
Néanmoins, certain·e·s chercheurses commencent à s'y intéresser de très près depuis la découverte en 2007 du fait que le sang menstruel comprend des cellules souches mésenchymateuses (1), au même titre que le cordon ombilical, le placenta, la moelle osseuse ou le tissu adipeux.
A la différence près qu'il est bien plus abondant et plus facile à collecter, de façon non invasive, donc que c'est une ressource alternative facile d'accès pour la recherche et la médecine. D'autant que les cellules souches menstruelles se multiplient (donc se cultivent) de façon extrêmement rapide et que leur collecte ne pose aucune question d'éthique (combien sommes-nous qui accepterions de donner notre sang menstruel si ça pouvait sauver des gens?)
Les cellules souches menstruelles sont appelées MenSC (pour MENstrual Stem Cells).
Elles ont une autre capacité remarquable : elles sont capables d'engendrer de nombreux types de cellules, parmi lesquelles des cellules du coeur, du système veineux, des neurones, du foie, des poumons, du pancréas, du système reproductif et plus ! Elles pourraient également 'immunomoduler' certaines pathologies inflammatoires (comme certaines tumeurs), mais les recherches à ce sujet n'en sont qu'à leurs débuts et sont encore explorées par des équipes de chercheurses partout dans le monde.
En 2019, une équipe a compilé les différents domaines dans lequel l'utilisation des MenSC est en cours d'étude et donne déjà des résultats prometteurs (2). Vous n'allez pas en croire vos yeux !
- sur la fibrose hépatique (maladie du foie pour laquelle une greffe est la stratégie la plus efficace actuellement), et l'insuffisance hépatique, où elles permettraient de régénérer le foie.
- sur le diabète sucré de type 1,
- sur l'AVC (elles pourraient atténuer les lésions nerveuses permanentes, voire restaurer la fonction nerveuse)
- sur la myopathie de Duchenne (une maladie mortelle qui se caractérise par une dégénérescence musculaire), en restaurant les muscles, voire en transformant les cellules dystrophiques en cellules anti-atrophiques
- sur L'Ischémie Critique des membres (maladie vasculaire dans laquelle se sang ne circule plus et qui prive les membres d'oxygène, pouvant mener à l'amputation)
- sur le Cancer des Ovaires, où les MenSC réparent les lésions ovariennes, améliorent la fonction ovarienne et stimulent la régénération des ovaires. Elles auraient même des propriétés anti-tumorales.
- sur l'Infarctus du myocarde, où les MenSC restaureraient la fonction cardiaque endommagée
- sur le syndrole d'Asherman (adhérences dans l'utérus qui causent entre autres l'infertilité, des règles irrégulières ou absentes ou des fausses couches à répétition)
- sur la maladie l'Alzheimer, où les MenSC pourraient permettre d'améliorer les caractéristiques d'apprentissage et la mémoire
- sur les lésions pulmonaires aiguës, où elles favorisent la réparation des poumons blessés et protègeraient de l'apoptose cellulaire (= suicide des cellules)
- sur les blessures cutanées, en favorisant la cicatrisation des plaies et en contribuant à la régénération cutanée
- sur l'endométriose (3), qu'elles permettraient de détecter précocement et de traiter
Incroyable, n'est ce pas ? Et ce n'est que le début !
On attend avec impatience d'autres études, car il est bien possible que le sang menstruel nous réserve encore des surprises !
Ah, et quand quelqu'un vous dira que le sang menstruel c'est sale, dites lui que demain, c'est peut-être ce sang qui lui sauvera la vie...
Sources :
(1) Cui CH, Uyama T, Miyado K, et al., "Menstrual blood-derived cells confer human dystrophin expression in the murine model of Duchenne muscular dystrophy via cell fusion and myogenic transdifferentiation". Mol Biol Cell., 2007
(2) Lijun Chen, Jingjing Qu & Charlie Xiang, "The multi-functional roles of menstrual blood-derived stem cells in regenerative medicine", BMC, 2019
(3) Laura A.Warren et al., "Analysis of menstrual effluent: diagnostic potential for endometriosis", Molecular Medicine, New York, 2018